Alors que les États-Unis ont vu apparaître une profusion de “cigales magiques”, une espèce qui sort de terre tous les dix-sept ans, le Washington Post s’est rendu dans la commune française du Beausset, en Provence, qui a fait de la cigale son emblème. Le journal américain peine à dissimuler son étonnement devant ce quasi-culte local dédié au bruyant insecte.
“Une fois tous les dix-sept ans, le réveil des cigales suscite des sentiments mitigés chez les riverains : la curiosité chez certains et l’irritation chez les autres, qui portent plainte auprès de la police en raison du bruit occasionné”, rappelle le Washington Post. Depuis le début du printemps, l’est des États-Unis a en effet vu sortir de terre, parfois avec une certaine angoisse, des milliards de spécimens de ces “cigales magiques”, dont le cycle de reproduction si particulier est réglé comme du papier à musique.
Mais “en France, fait savoir le titre, les gens ne comprennent pas” cette angoisse. Les cigales font partie du décor dans le sud de l’Hexagone, où elles font chaque été leur grand retour. Elles sont mêmes “associées au bonheur et à la joie de vivre”, s’étonne le journal.
C’est particulièrement le cas dans une commune : celle du Beausset, au cœur de la Provence, qui, du haut de ses 10 000 habitants, est parfois décrite comme “la capitale de la cigale”. Le Washington Post s’y est rendu en reportage, pour constater avec effarement la frénésie locale autour de l’insecte chanteur.
Tout est parti d’une bisbille locale, relate le quotidien américain, lorsque, en 2018, des touristes venus du nord du pays – comprendre, probablement, des Parisiens – “ont osé demander s’il était possible de faire cesser le vacarme des cigales à coups d’insecticide”. Ulcéré, le village a défendu sa fierté régionale et “érigé une statue en forme de cigale, pour témoigner sa solidarité envers l’insecte”, ironise le journal, un brin moqueur.
Au Beausset, “la cigale de 1,50 mètre peinte en bleu est accrochée à une branche en métal, ses yeux globuleux tournés vers le ciel”, et semble “prête à fondre à tout moment sur les voitures qui circulent sur le rond-point”. Une installation qui a coûté à la municipalité près de 30 000 euros.
“Touche pas aux cigales”
Selon une légende provençale, explique le Washington Post, “les cigales ont été envoyées du ciel pour empêcher les gens de s’assoupir par les chaudes après-midi d’été”. Mais les locaux “ont trouvé cette mélodie apaisante, qui ne les a pas empêchés de dormir, au contraire”. Et le journal de citer l’une des plus célèbres fables de La Fontaine, La Cigale et la Fourmi, dressant “le portrait d’une cigale insouciante, qui chante tout l’été et doit mendier sa nourriture à l’arrivée de l’hiver”.
Plus prosaïquement, Le Beausset a fait de son amour pour les cigales un argument touristique : les boutiques de souvenirs vendent “des tee-shirts ornés de cigales, des figurines de cigales”, énumère le média. “Et il y a même une chanson sur les cigales.” La Fontaine n’a qu’à bien se tenir, car voici les paroles, chantées par un certain Yves Pujol, habitant local présenté comme un des “défenseurs” de ces insectes :
Touche pas, touche pas aux cigales ! Touche pas ou tu prends une mandale !”
Le tout avé l’accent. De quoi faire ouvrir de grands yeux au Washington Post, qui précise que le morceau “a semblé toucher une corde sensible”, enregistrant plus de 250 000 écoutes sur YouTube.