Dans certaines civilisations anciennes, la couleur bleu n’existait pas. Un paradoxe étonnant. Les explications du site espagnol El Confidencial.
Le bleu de Santorin, Grèce. Photo de Francesco Riccardo Iacomino/ Getty Images
Antiquité – Grèce. Les idées ont-elles précédé le langage ou est-ce l’inverse, se demandait René Magritte. Gabriel García Márquez, dans Cent Ans de solitude, prend parti : “Le monde était si récent que la plupart des objets n’avaient pas encore de nom et pour les désigner il fallait les montrer du doigt.” Vraiment, savons-nous ce que sont les choses parce que nous avons un nom pour en parler ? Les Grecs anciens peuvent peut-être nous éclairer.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, la couleur bleue, celle qui qualifie notre planète, celle qui nous enchante dans toutes ses nuances face à un horizon où ciel et mer se confondent, cette couleur n’a pas toujours existé – en tout cas dans le regard, et dans les mots. C’est d’autant plus étonnant qu’il s’agit d’une couleur primaire, celle qui est perçue, pour être précis, dans une longueur d’onde comprise entre 460 et 482 nanomètres. Mais le plus surprenant est de constater que le peuple qui a inventé la démocratie et la philosophie n’a pas été capable de percevoir une couleur qui nous semble à nous si nécessaire. Tout petits, dans leurs premiers dessins, n’est-ce pas du crayon bleu que s’emparent d’abord les enfants ? C’est qu’il faut bien représenter ce ciel qu’ils ont au-dessus de la tête.
Et les Grecs n’étaient pas la seule civilisation de l’Antiquité à l’ignorer. La première personne à se rendre compte que quelque chose ne va pas est le Premier ministre britannique à quatre reprises, William Ewart Gladstone (1809-1898), qui était passionné par les œuvres d'Homère. Il a découvert que dans "L'Iliade" ou "L'Odyssée", des couleurs comme le rouge, le blanc et le noir étaient mentionnées, mais jamais le bleu. En fait, les descriptions de tout ce qui avait trait à cette couleur étaient incroyablement inexactes : "l'aube avec ses doigts roses", le ciel de la couleur du "bronze" ou la mer, comme du "vin sombre".
Ça veut dire qu'ils n'ont pas vu le bleu ?
Oui, c'est vrai. Pour en revenir à Magritte et à ses pensées, n'ayant pas le concept ou l'idée, les Grecs et d'autres civilisations anciennes (des Chinois aux Hébreux) ne voyaient pas le bleu. Pour eux, il est très probable que le ciel était véritablement de couleur bronze ou la mer de couleur vin sombre. Cela a été démontré lors d'une expérience avec une tribu de Namibie qui n'a pas non plus de mot pour le bleu dans sa langue (bien qu'elle ait différents types de vert).
Lors d'une expérience menée avec une tribu namibienne qui n'a pas de mot pour désigner le bleu, on leur a montré onze carrés verts et un carré bleu. Ils n'ont pas réussi à trouver celui qui était différent.
Lorsqu'on leur a montré onze carrés verts et un carré bleu, ils ont été étonnamment incapables de trouver celui qui était différent. Cependant, lorsqu'ils ont remplacé le carré bleu par un autre carré d'une nuance de vert légèrement différente (pour lequel nous n'avons pas de nom et que nous avons beaucoup de mal à distinguer), ils l'ont immédiatement signalé.
Au début, il y avait la parole. Et ce mot était "noir" et ensuite "blanc", ou peut-être "sombre" et "clair", parce qu'ils représentent le jour et la nuit et sont fondamentaux. Puis vint le rouge, pour le sang, et plus tard d'autres comme le jaune, mais le bleu, la couleur fondamentale pour nous, a en fait très peu d'histoire. C'est pourquoi il est anachronique de voir des films basés sur l'Antiquité dans lesquels les personnages portent des vêtements teintés en bleu.
Les premiers mots pour décrire les couleurs étaient sûrement blanc, noir et rouge. En comparaison, le bleu a très peu d'histoire.
Il y a un "mais", bien sûr. Parmi toutes les civilisations qui sont entrées dans l'histoire et ont disparu depuis longtemps, une civilisation technologiquement avancée faisait exception : les Égyptiens. Les anciens Égyptiens avaient un pigment bleu, que l'on peut encore voir dans leurs reliques, et un mot pour le désigner. Les Sumériens l'avaient probablement aussi, si l'on en croit cette merveille de l'architecture babylonienne qu'est la porte d'Ishtar, au musée Pergamon de Berlin. L'époque est en fait moins importante que l'avancée technologique lorsqu'il s'agit de l'idée ou du concept.
Certains linguistes font remarquer que des mots comme "kajol", qui signifie "bleu" en hébreu, sont en fait une variante qui a évolué au fil des ans, et qu'ils viennent du noir, puisque la racine est la même que "kohol", le cosmétique noir utilisé pour peindre les yeux. De même, les Grecs (dont Homère) utilisaient le mot "kuanos", mais à leur époque, il ne signifiait pas bleu, mais noir ou quelque chose de sombre. Surprenant, bien sûr, dans une civilisation née en Méditerranée où la couleur qui n'existait pas est précisément celle qui est la plus présente dans sa nature caractéristique et belle. Ou, du moins, c'est ainsi que nous le voyons.
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