Rémy Potey a travaillé jusqu'au Revest-les-Eaux : au domaine de Tourris, il a réalisé le cadran solaire sur la façade sud du château, mais aussi l'arbre de vie qui de dresse au milieu du parc et surtout l'intérieur de la chapelle.
Rémy Potey dans la chapelle de Tourris en 2019
Un échafaudage bâché au fond d’une rue du vieux village intriguait les quelques visiteurs de passage, ces jours derniers, au Sauze-du-Lac.
Rémy Potey, artiste cadranier-fresquiste y a installé ses pinceaux, brosses, taloches et truelles pour réaliser un mur en trompe-l’œil. Bientôt, ce mur de garage borgne donnera l’illusion d’une façade de maison avec sa vieille porte et deux fenêtres aux volets bleus, sur lesquelles on aurait posé une cruche et un bougeoir.
Si l’artiste semble se cacher pendant son travail c’est pour protéger son œuvre naissante des rayons du soleil et du vent et retarder le séchage de l’enduit à la chaux sur lequel il peint. C’est que Rémy travaille à l’ancienne, à l’image des cadranistes piémontais tel Giovanni Francesco Zarbula, auteur d’une centaine de cadrans solaires dans les Alpes du Sud réalisés de 1833 à 1881.
Travail à l’ancienne avec des pigments naturels, garantie de l’inaltérabilité des teintes
Installé à Château-Ville-Vieille, Rémy a adopté il y a 25 ans cette technique “a fresco” (à fresque) en utilisant exclusivement des pigments naturels sur un enduit à la chaux encore frais.
Paradoxalement, la réalisation d’un cadran solaire est une course contre la montre, plus précisément contre le temps qui passe, accélérant la carbonisation du support où s’imprègnent les pigments de peinture. Un dessin commencé doit être achevé dans la journée, ce qui exclut toute pause casse-croûte.
C’est le prix à payer car seule cette méthode, qui demande une technicité pointue, garantit l’inaltérabilité des couleurs pendant des siècles.
Pourtant, rien ne prédisposait l’artiste, auteur d’environ 150 cadrans et fresques dont 57 dans son Queyras d’adoption, à ce métier insolite. Né il y a 55 ans dans les Vosges, il interrompt ses études à 19 ans pour un emploi de berger dans le Sud. L’hiver dans la plaine de la Crau, c’est l’été dans les montagnes du Queyras qu’il découvre la multitude de cadrans solaires dont bon nombre en état de délabrement, et, en contemplatif qu’il est, en imprègne sa mémoire. Après cinq années de nomadisme, il veut « se réinsérer dans la société » et exerce la fonction de moniteur de ski de fond en hiver et de maçon en été. Son premier cadran solaire, il le réalise en 1984, à la demande des fidèles du temple de Fontgillarde sur les hauteurs de Molines. Ne connaissant pas la technique ancestrale, il utilise de la peinture acrylique, instable au soleil. Il le refera plus tard dans les règles de l’art des cadraniers piémontais. « On ne peut pas dire : demain je serai cadranier, il faut apprendre, faire fausse route et corriger ses erreurs » dit-il avec humilité. Le déclic vient en 1987.
Alors qu’il est en manœuvre dans l’entreprise chargée de restaurer l’église d’Aiguilles dans le Queyras, l’architecte des bâtiments de France détecte en lui un “bon coup de patte” et lui confie la restauration du cadran de l’horloge. Sans la moindre formation, mais doté d’un sens aigu de l’observation, Rémi s’acquitte remarquablement de cette tâche artistique. Dès lors, il ne cesse de se former à cet art, jusqu’à Rome où il se perfectionne durant plusieurs mois.
Les cadrans de Rémy Potey se reconnaissent à sa signature mais aussi par les illustrations d’animaux montagnards (tétras, gélinotte, loup, lagopède, papillons) ainsi que de plantes alpines. Malgré un quart de siècle et 150 œuvres, Rémi Potey, comme bien des artistes, dit ressentir à chaque fois une certaine angoisse la veille d’un nouvel ouvrage. Il installera prochainement ses pinceaux à Gap, sur la façade de l’école Sainte Jeanne d’Arc pour y faire fleurir un cadran solaire.
La chapelle de Tourris rénovée par Rémy Potey - Photos Cécile di Costanzo
Le site internet de Rémy Potey : clic ici