Ernest Ginot — 31 juillet 2023
Une différence gravée dans la roche.
La plage de Fort-Mahon sur la Côte d'Opale
Les vacances, l'été, la mer, le sable... ou les galets? Si pour beaucoup, la plage est avant tout synonyme de sable fin, il n'en est pas ainsi sur de nombreux bords de mer. D'Étretat à Dieppe, en passant par Nice ou Collioure, les plages de galets sont présentes un peu partout en France. Pour le plaisir des uns, et le malheur des autres.
Sur les plages, deux clans s'affrontent. La team sable, qui vante le confort des grains fins une fois allongé sur sa serviette, sans oublier la construction de châteaux qui occupe les enfants. Et la team galets, qui déteste ce sable souvent brûlant, qui finit soit dans les yeux quand un vacancier a le malheur de secouer sa serviette, soit à la maison une fois les chaussures enlevées. Tant pis pour les châteaux, le galet est roi.
Au lieu d'opposer ces deux France irréconciliables, revenons-en plutôt à la racine même de leurs divergences: pourquoi les plages sont elles si différentes? Pourquoi y en a-t-il de galets et d'autres de sable?
Avant que l'on s'y prélasse pendant des heures, une plage c'est avant tout une accumulation de sédiments. C'est un gigantesque dépôt de roches en tous genres, où se mêlent par-ci par-là des coquillages cassés, dont les morceaux se sont éparpillés avec le temps. D'où viennent ces sédiments? D'un peu partout. Des fonds marins aux rivières, sans oublier les falaises et récifs sans cesse heurtés par les vagues. En bout de course, ils finissent là, sous votre serviette.
Pas si vite. Entre un morceau de falaise et un grain de sable fin, il y a une petite différence! Une marge due à l'érosion. La pluie, le vent, et les vagues érodent, dégradent avec le temps, tout ce qu'ils trouvent sur leur passage, jusqu'à transformer des blocs massifs en grains minuscules: les fameux sédiments.
Alors, pourquoi existe-t-il des plages de galets ou de sable, me direz-vous. Étant donné que la plage est essentiellement le résultat de l'érosion des roches environnantes, la composition de ces dernières influence directement le type de plage auquel on aura affaire.
Si l'on part en vacances dans le Sud-Ouest par exemple, on s'apercevra que la région est particulièrement riche en grès. Formé de grains agglomérés par un ciment naturel, le grès s'effrite avec l'érosion et la roche finit par se diviser en d'infimes morceaux qui viennent se déposer sur la plage: une plage qui sera donc faite de sable fin. Il en va de même pour le granite, qui se transforme en sable, notamment sur certains endroits de la côte en Bretagne. Un sable un peu moins fin certes, mais un sable tout de même.
Si, au contraire, vous prenez la direction de la Normandie, c'est à la craie que vous aurez affaire. Prenez Étretat: ses magnifiques falaises blanches sont faites de craie, et ses immenses arches naturelles sont le fruit de l'érosion par la mer. Frappée par les vagues, le vent et la pluie, la craie se dissout et libère des galets de silex qu'elle abritait. Les galets, arrondis par les frottements, viennent ensuite se déposer sur le rivage, poussés par les courants marins.
Le courant est également un facteur influençant directement la nature d'une plage. Si cette dernière est exposée aux vagues et aux va-et-vient incessants de l'eau, les sédiments les plus fins se voient souvent emportés. Ils laissent derrière eux les gaillards les plus lourds, les galets, bien décidés à ne plus se bouger la roche. Là où les eaux sont en revanche calmes, le sable se maintient. Et quand elles stagnent, complètement abritées de tout courant? C'est la vase qui vient se joindre à la fête. Un troisième clan, qui ne fait sûrement pas l'unanimité.
Si l'on se chamaille aujourd'hui pour savoir qui du sable ou des galets (désolé la vase, mais tu ne fais pas le poids) fait les meilleurs plages, il se pourrait qu'un jour, notre choix soit réduit. Avec le changement climatique, les littoraux sableux sont en effet plus que jamais menacés.
Ces derniers, qui couvrent près d'un tiers du linéaire côtier mondial, s'érodent à vitesse grand V avec l'augmentation du niveau moyen de la mer. Une tendance qui risque de s'aggraver tout au long du siècle. Pas au point de faire disparaître entièrement les plages de sable, mais en réduisant considérablement leur nombre.
Le phénomène est notamment accentué par la demande constante de sable. Particulièrement convoité pour les constructions, il est extrait en quantité toujours plus importante. Pourtant, il arrive de moins en moins dans les mers, freiné par les barrages sur sa route. Les plages, encore un de ces trucs que l'on aura réussi à foutre en l'air ?