Le mot de Kat : et pourtant ... moins, c'est mieux !
Des machines à laver avec de plus en plus de boutons. Des meubles avec de plus en plus de tiroirs. Des codes informatiques de plus en plus complexes. Des administrations de plus en plus obèses. Plus de routes, plus d'options, plus de chaussures : mais d'où nous vient cette manie du « toujours plus » ?
Ce n'est pas un hasard si nos téléphones comportent un nombre croissant de fonctions et de pixels. Notre cerveau a une tendance innée à favoriser l'ajout d'éléments plutôt que d'en enlever, d'après les auteurs d'une étude parue en avril dans la revue Nature. « La plupart des gens supposent que la meilleure façon de gérer un problème est d'ajouter de nouvelles fonctionnalités, même si ce n'est pas la solution la plus rationnelle », constate Benjamin Converse, de l'université de Virginie à Charlottesville.
Les chercheurs ont mené différentes expériences sur la façon dont les gens essayent de changer des objets, des concepts ou des situations. Par exemple, lorsqu'un nouveau recteur d'université sollicite des idées d'améliorations, seulement 11 % impliquent de se débarrasser de quelque chose. Lorsqu'on leur demande d'améliorer un itinéraire de voyage, seulement 28 % des participants éliminent les destinations, même si l'emploi du temps est déjà surchargé. De même, lorsque l'on demande à quelqu'un de retoucher un texte, seuls 17 % des gens enlèvent des mots plutôt que d'en rajouter. Idem lorsqu'il s'agit d'améliorer une recette de soupe : en moyenne, les participants rajoutent 2,85 ingrédients supplémentaires par rapport aux cinq de départ, notent les chercheurs.
Une autre expérience consistait à donner aux participants des carrés avec des motifs colorés en leur demandant de rendre le motif symétrique en modifiant des éléments de la figure. Alors que la symétrie était beaucoup plus facile à obtenir en enlevant des motifs, seuls 49 % des gens ont opté pour cette solution. Dans une autre expérience, les participants devaient stabiliser une structure en Lego avec un pied plus long que l'autre en ajoutant ou en ôtant des blocs. Seuls 41 % ont opté pour la deuxième solution.
Pour expliquer cette fâcheuse manie, les auteurs avancent plusieurs hypothèses. « Les idées additives viennent plus rapidement et facilement à l'esprit, alors que les idées soustractives nécessitent plus d'effort cognitif, explique le psychologue Benjamin Converse. Et comme les gens n'agissent souvent qu'à partir des premières idées qui leur viennent, ils finissent par accepter des solutions additives sans envisager la soustraction ». Il est également possible que notre subconscient repose sur l'idée que « plus, c'est mieux » et qu'enlever quelque chose est associé à une perte.
Rajouter du personnel et de l’argent quelque part ne vous fera aucun ennemi
« Au fil du temps, notre habitude à l'addition s'installe et se renforce, ce qui fait que sur le long terme, nous manquons des opportunités pour traiter efficacement les problèmes, déplore Gabrielle Adams, coauteur de l'étude. On en voit les résultats tous les jours à travers des emplois du temps surchargés, une complexification croissante des administrations ou une exploitation sans limite des ressources naturelles ».
Il ne sera toutefois pas évident de se débarrasser des mauvaises habitudes, notamment en politique. Suggérer de supprimer des classes à moitié vides dans une école, des chambres superflues dans un hôpital ou des lignes de train inutilisées risque en effet de ne pas vous rendre très populaire. Personne ne vous reprochera à l'inverse d'avoir étendu le réseau de bus.