Le mot de Kat - Il faut hurler avec les sirènes si l'on veut courir avec elles. Transposition du dicton médiéval.
Vous avez certainement déjà entendu les sirènes assourdissantes des entraînements aux alertes ou des ambulances. Si ces sirènes sont si efficaces, c'est parce qu'elles imitent parfaitement le hurlement du loup, qui a lui-même été sélectionné comme meilleur son possible pour parcourir les plus grandes distances. Un exemple parfait de biomimétisme involontaire.
N'avez-vous jamais remarqué que les chiens se mettent à hurler lorsqu'une sirène d'alarme se déclenche ? Ce comportement exaspérant ne doit rien au hasard : c'est parce que ces sirènes émettent les mêmes sons que ceux de hurlements des loups, révèle une nouvelle étude parue dans Acta Biotheoretica.
Les chercheurs ont analysé le son d'une trentaine de sirènes telles que celles des alertes d’urgence, des ambulances ou des alertes aux tornades aux États-Unis, et les ont comparées avec différents enregistrements de hurlements de loups. Ils ont alors constaté des similitudes troublantes en superposant leurs spectres de fréquences, 89,6 % de sons étant similaires sur cinq paramètres différents.
Pourtant, cette ressemblance ne serait pas délibérée, mais le fruit de la sélection des meilleurs sons possibles pour communiquer sur la plus grande distance possible, explique Hynek Burda, chercheur à l'université tchèque de sciences naturelles et principal auteur de l'étude. Chez le loup, le hurlement sert ainsi à indiquer sa position aux autres membres de la meute de façon à obtenir leur position en retour. Ce signal sonore est notamment crucial pendant la chasse, car il annonce aux autres loups que la zone est déjà occupée par une meute.
Les loups alpha (les meneurs de la meute) commencent sur de basses fréquences, puis les loups bêta poursuivent sur un ton plus haut. Leurs variations hétérogènes servent à donner l'impression d'une meute très nombreuse. Selon les chercheurs, l'évolution naturelle aurait favorisé chez le loup les hurlements avec le meilleur compromis entre l'audibilité (qui augmente lorsque l'intensité de la pression acoustique s'accroît) et la capacité à voyager sur de longues distances, qui s'obtient en diminuant la fréquence.
Mais ce n'est pas tout. Certains animaux ont appris à reconnaître le hurlement du loup comme un signal de danger ou à l'interpréter comme tel. Les faons voient ainsi leur fréquence cardiaque s'accélérer lorsqu'ils entendent le loup, tandis que les charognards sont au contraire attirés, le hurlement signalant qu'une proie a été capturée.
L'Homme pourrait-il lui aussi avoir été sélectionné par l'évolution pour interpréter le son des hurlements (et donc des sirènes) comme signal de danger ? « Bien qu'il n'existe pas de prédateur spécialisé de l'Homme aujourd'hui, les loups représentaient une menace majeure il n'y a pas si longtemps. Les humains auraient donc pu apprendre à interpréter les signaux acoustiques intraspécifiques des loups comme un signal d'avertissement » et donc à les privilégier pour le son des alarmes, suggèrent les auteurs. Une précédente étude a, par exemple, montré que les fœtus voient leur cœur accélérer lorsque les sirènes d'alarme se déclenchent en Israël.
« Nous suggérons que (par hasard) l'efficacité du son des sirènes comme signal d'alerte a été renforcée par une prédisposition sensorielle naturelle (innée) des humains à être alertés par le hurlement des loups, concluent Hynek Burda et ses collègues. Il s'agit là d'un exemple intéressant de biomimétisme acoustique ».