Rascal est jaloux, il voudrait son Poäng
Écrit par Elodie Palasse-Leroux - Illustré par Kat
Quitte à faire grincer quelques dents (les miennes, notamment), nous nous devions de débuter cette série avec le plus populaire des fauteuils: le Poäng d'Ikea. Depuis sa naissance en 1976, l'enseigne suédoise en a écoulé plus de 35 millions. Et son étoile n'est pas près de pâlir: totalisant désormais 1,5 million de pièces vendues chaque année, il n'a de cesse d'envahir nos intérieurs.
Revers du succès, le Poäng serait aussi un grand incompris. Nombreux sont ceux qui le snobent, en dépit de son prix abordable –qui varie selon les modèles et matériaux proposés. On stigmatise son ubiquité, le manque de noblesse de ses matériaux ou de caractère de ses lignes.
Moi je veux mon fauteuil ET son repose-pied
Le Poäng est sans aucun doute l'une des pièces les plus clivantes du catalogue: combien de couples se sont-ils déchirés devant lui, égarés au cœur d'un labyrinthe dépourvu de lumière naturelle, à Hyderabad, à Rome ou à Marseille?
À quelques variantes près, le dialogue a peu ou prou la même teneur.
– Je t'assure, essaie-le: il est très confortable! Parfait pour une sieste.
– Parfait pour une maison de retraite. Et on dirait qu'il a une scoliose.
– Mais il est discret, facile à caser: ses couleurs sont plutôt neutres. (en gesticulant tour à tour en direction de la version cuir noir et tissu beige ficelle)
– Elles sont fades et ternes. Et je suis certaine qu'il va s'avachir.
Observez ces couples passer devant le rayon fauteuil en faisant mine d'ignorer sa présence. C'est souvent lui, deux pas derrière elle, qui semble implorer d'un regard désolé le Poäng de ne pas prendre ce rejet trop personnellement. Je sais de quoi je parle.
Ikea a fait subir de nombreux et violents crash-tests au Poäng pour prouver son indestructibilité, et fait appel à des designers de renom pour «pimper» leur best-seller. Alors qu'on ignorait presque tout de son histoire, l'enseigne a décidé en 2016, pour célébrer les 40 ans du fauteuil, de mettre en lumière le créateur du Poäng: le designer japonais Noboru Nakamura, disparu en 2023. Installé en Suède, il a longtemps collaboré avec le directeur du design d'Ikea, Lars Engman.
Enfin, mon Poäng à moi. Mais ils ont eu raison de changer les coussins. J'aimais pas le beige.
En 1976, les deux acolytes ont eu envie de s'inspirer de plusieurs fauteuils en porte-à-faux mythiques du design scandinave, créations intemporelles du Suédois Bruno Mathsson (dont la première assise sanglée a été dessinée pour un hôpital dans les années 1930) et du Finlandais Alvar Aalto (plus particulièrement de la «petite Paimio», version allégée d'un modèle conçu pour un sanatorium au cours de la même décennie).
Pour assurer un prix de vente abordable, les matériaux et procédés utilisés seraient moins onéreux et le fauteuil serait vendu en trois cartons –structure, assise et coussin provenant de trois usines différentes. Mais le Japonais souhaitait que son fauteuil «procure une certaine richesse émotionnelle», son pied en porte-à-faux permettant un léger bercement grâce auquel «nous pouvons nous débarrasser de notre frustration ou de notre stress». Oui, c'est beau et évocateur. C'est la raison pour laquelle le fruit de la réflexion de Nakamura s'est d'abord appelé «Poem».
«Je me suis rendu compte que c'est le fauteuil idéal.» Zoe Sessums, journaliste design
Depuis sa première apparition sur la couverture du catalogue de 1977, Poem a changé de nom et d'atours. Son prix comme son poids se sont allégés. En tissant adroitement l'histoire du Poäng et le secret de son ADN, Ikea a eu un autre coup de génie; le fauteuil devenait encore plus désirable. Soudainement, on se disputait les modèles vintages aux enchères, encensés par le Financial Times.
Un peu plus tard, la pandémie de Covid-19 et la redécouverte forcée de nos intérieurs a fait sauter les derniers verrous. Et l'impensable est arrivé: «il n'y a aucune honte à aimer le Poäng», tranchait le magazine AD (Architectural Digest), autoproclamé «autorité internationale du design et de l'architecture».
Mais pourquoi a-t-elle mis MON tabouret sous SON bureau ?
«J'ai résisté pendant des années, l'estimant trop basique ou ennuyeux. Puis je me suis rendu compte que c'est le fauteuil idéal», confiait la journaliste de design Zoe Sessums. Il n'y a aucune honte à ne pas partager son avis.
Nous sommes un lundi après-midi. Il fait froid et gris sur Milan et ses Navigli, les canaux artificiels de la ville italienne sur lesquels a bossé, entre autres, Léonard de Vinci. «Pas une grande journée», admet Luca Ambrogio Santini en soufflant sur ses doigts gelés, un cache-cou au ras du nez. Le sexagénaire a sauté dans ses chaussures de rando pour sortir de chez lui et montrer, non sans fierté, son «bébé».
La librairie itinérante de Luca à Milan | Irene Caputo
Il s'agit d'un vélo cargo qu'il déplie la plupart du temps à quelque 300 mètres de son domicile. Plus précisément sur la place Gustav-Mahler, devant l'auditorium de Milan, siège de l'orchestre symphonique Giuseppe Verdi. «Je m'installe là, car mes clients d'avant me connaissent. Ma librairie était ici, c'est symbolique», explique-t-il en regardant vers sa gauche et le commerce qui a pris sa place: un pressing. Un peu triste...
Luca Ambrogio Santini a été contraint de mettre la clé sous la porte le 9 novembre 2013. Le Milanais a tout tenté pour sauver sa librairie, qu'il a tenue dans les mêmes murs pendant douze ans. Malheureusement, la crise de 2008 et le nombre de lecteurs en baisse –«surtout, chez les jeunes», a-t-il remarqué– ont fait chuter son chiffre d'affaires.
Et cela, c'était sans compter l'arrivée du commerce en ligne. Amazon en prime. D'où son surnom: «On m'appelle Don Quichotte, car je me bats contre des choses énormes. Les petits commerces sont importants pour faire vivre le quartier. Les grandes chaînes appauvrissent les centres.»
Luca Ambrogio Santini range ses livres devant son ancienne librairie, remplacée par un pressing. | Irene Caputo
Loin d'être aigri, Luca Ambrogio Santini a réfléchi. Pas longtemps. Le choix de l'itinérance de LibriSottoCasa s'est imposé de lui-même. «J'aimais le vélo.» C'est aussi bête que ça.
En 2015, il s'est donc lancé en tant que libraire ambulant dans les rues de Milan, ne se déplaçant qu'à la force des mollets. Enfin, presque. «J'ai fait quelques mois sans aide électrique. Mais là, j'ai changé d'avis parce qu'à certains moments, je n'arrivais plus à bouger. Il y a cent kilos de livres...», souffle-t-il en dépliant sa carriole rouge pétant.
Aujourd'hui, différents livres trônent sur les étagères. Les thématiques? Les librairies itinérantes (l'ouvrage de Jamila Hassoune et sa caravane du livre dans le Haut-Atlas, le roman Parnassus on Wheels de Christopher Morley), de la littérature jeunesse (Trois amis, de Helme Heine, Pietro Pizza, de William Steig), des ouvrages sur la ville de Milan (Le Vie Della Bonifica – Il Naviglio Grande, Calciorama – I colori della passione), ou encore sur le cyclisme. Mais pas que. Luca adapte les volumes qu'il propose aux lieux où il se pose: les marchés, les bibliothèques, les foires aux livres, les écoles...
Surtout, le Lombard baroude un peu partout dans le sud de Milan pour livrer ses clients. Il suffit d'un message sur Facebook ou WhatsApp pour réserver son bouquin, et Luca débarque gratuitement avec son sac à dos. «Je pense que mes clients préfèrent acheter mes livres plutôt que ceux d'Amazon... Quand j'arrive, ils peuvent discuter avec moi. Quand j'emmène les livres chez les gens, ils me donnent régulièrement à boire et à manger.» Ce qui ne l'empêcherait pas d'être, parfois, plus rapide que les mastodontes du e-commerce. «Pas en ce moment... Mais durant les périodes pleines, comme pendant les fêtes de Noël, si on m'écrit à 9h, j'ai l'ouvrage à 10h.»
Lors des périodes de rush, Luca Ambrogio Santini se rend tous les matins chez les distributeurs qui l'approvisionnent. Mais si la distance le séparant de ses clients est trop grande, le libraire leur conseille de se tourner vers le réseau créé il y a dix ans dans le pays: Bookdealer, une plateforme destinée à soutenir les librairies indépendantes, qui sont près de 700 à l'avoir rejointe. «On s'est mis en commun car on était confrontés aux mêmes difficultés», se souvient le cycliste littéraire.
Entre 2012 et 2017, 2.332 librairies et papeteries auraient fermé dans le pays, et la saignée ne semble pas près de s'arrêter. «En un an, on a perdu six librairies du réseau», assure Luca Ambrogio Santini. L'homme voit tout de même le verre à moitié plein: «Une nouvelle ouvre samedi.» Et lui-même s'y retrouve financièrement parlant, selon ses dires: «Je gagne un quart de ce que je gagnais avant, mais j'ai moins de frais. Je m'en sors bien.»
Aujourd'hui, Luca Ambrogio Santini espère susciter des vocations. Quelques projets semblables au sien semblent actuellement germer un peu partout. En France, Fernando Sanchez, par exemple, a fait pareil dans la région lilloise, tout comme Robin Ranjore à Redon (Ille-et-Vilaine), Adeline Barnault dans l'Essonne, David Blouët à Bourbon-L'Archambault (Allier), ou encore Marion Bonilli à Nantes pendant un temps.
À Milan, deux Françaises (Aurélie Bazex et Caroline Zanon) s'y sont elles aussi mises pendant la pandémie de Covid-19 en ouvrant, en novembre 2021, la Librairie William Crocodile, une bouquinerie itinérante de littérature jeunesse française, notamment installée à la sortie du lycée français milanais.
«C'était compliqué pendant le Covid de se faire livrer des livres en français: les frais de port ont augmenté, les livraisons étaient plus longues. Donc on a lancé ce projet. On ne connaissait pas celui de Luca avant», assure Aurélie Bazex qui l'a quand même contacté. «On a échangé avec lui et il nous a prodigué quelques conseils. On doit maintenant se rencontrer. Avec Luca, c'est une suite de rendez-vous manqués», plaisante celle qui a travaillé dans le e-commerce, notamment pour Amazon, dans les années 2000.
Luca Ambrogio Santini , de son côté, était employé par une banque avant de bifurquer. Plus précisément, il a passé un temps au milieu des dollars, des lires, des pesetas et des deutschemarks, dans un bureau de change. «L'euro est arrivé. J'ai bougé temporairement dans une autre entreprise, mais je n'avais plus envie d'exercer ce métier. Je me suis fiancé et je suis devenu libraire», raconte-t-il.
«Je pense que mes clients préfèrent acheter mes livres plutôt que ceux d'Amazon... Quand j'arrive, ils peuvent discuter avec moi. Quand j'emmène les livres chez les gens, ils me donnent régulièrement à boire et à manger.»
Si vous souhaitez faire la même chose, ce féru de Georges Perec, d'Italo Calvino «et de beaucoup d'autres» a un conseil: «La chose que j'ai apprise en premier, c'est de nettoyer les livres tous les jours. Car en les nettoyant, tu comprends ce qui a été vendu le jour d'avant et les goûts de tes lecteurs. Au début, je me suis un peu trompé, j'ai acheté des choses qui ne plaisaient pas... Il faut se spécialiser.»
Pour l'anecdote, sachez enfin qu'une Rochelaise a quasiment fait le chemin inverse du Milanais: Muriel Moulin avait lancé, dès 2008, sa librairie itinérante en camion: Esprit nomade. Après sept années à sillonner les routes, elle a fini pour ouvrir sa «petite librairie en dur» à Courçon, un village de 1.879 habitants. Pas en Castilla-La Mancha, mais en Charente-Maritime.
Ernest Ginot — 31 juillet 2023
Une différence gravée dans la roche.
La plage de Fort-Mahon sur la Côte d'Opale
Les vacances, l'été, la mer, le sable... ou les galets? Si pour beaucoup, la plage est avant tout synonyme de sable fin, il n'en est pas ainsi sur de nombreux bords de mer. D'Étretat à Dieppe, en passant par Nice ou Collioure, les plages de galets sont présentes un peu partout en France. Pour le plaisir des uns, et le malheur des autres.
Sur les plages, deux clans s'affrontent. La team sable, qui vante le confort des grains fins une fois allongé sur sa serviette, sans oublier la construction de châteaux qui occupe les enfants. Et la team galets, qui déteste ce sable souvent brûlant, qui finit soit dans les yeux quand un vacancier a le malheur de secouer sa serviette, soit à la maison une fois les chaussures enlevées. Tant pis pour les châteaux, le galet est roi.
Au lieu d'opposer ces deux France irréconciliables, revenons-en plutôt à la racine même de leurs divergences: pourquoi les plages sont elles si différentes? Pourquoi y en a-t-il de galets et d'autres de sable?
Avant que l'on s'y prélasse pendant des heures, une plage c'est avant tout une accumulation de sédiments. C'est un gigantesque dépôt de roches en tous genres, où se mêlent par-ci par-là des coquillages cassés, dont les morceaux se sont éparpillés avec le temps. D'où viennent ces sédiments? D'un peu partout. Des fonds marins aux rivières, sans oublier les falaises et récifs sans cesse heurtés par les vagues. En bout de course, ils finissent là, sous votre serviette.
Pas si vite. Entre un morceau de falaise et un grain de sable fin, il y a une petite différence! Une marge due à l'érosion. La pluie, le vent, et les vagues érodent, dégradent avec le temps, tout ce qu'ils trouvent sur leur passage, jusqu'à transformer des blocs massifs en grains minuscules: les fameux sédiments.
Alors, pourquoi existe-t-il des plages de galets ou de sable, me direz-vous. Étant donné que la plage est essentiellement le résultat de l'érosion des roches environnantes, la composition de ces dernières influence directement le type de plage auquel on aura affaire.
Si l'on part en vacances dans le Sud-Ouest par exemple, on s'apercevra que la région est particulièrement riche en grès. Formé de grains agglomérés par un ciment naturel, le grès s'effrite avec l'érosion et la roche finit par se diviser en d'infimes morceaux qui viennent se déposer sur la plage: une plage qui sera donc faite de sable fin. Il en va de même pour le granite, qui se transforme en sable, notamment sur certains endroits de la côte en Bretagne. Un sable un peu moins fin certes, mais un sable tout de même.
Si, au contraire, vous prenez la direction de la Normandie, c'est à la craie que vous aurez affaire. Prenez Étretat: ses magnifiques falaises blanches sont faites de craie, et ses immenses arches naturelles sont le fruit de l'érosion par la mer. Frappée par les vagues, le vent et la pluie, la craie se dissout et libère des galets de silex qu'elle abritait. Les galets, arrondis par les frottements, viennent ensuite se déposer sur le rivage, poussés par les courants marins.
Le courant est également un facteur influençant directement la nature d'une plage. Si cette dernière est exposée aux vagues et aux va-et-vient incessants de l'eau, les sédiments les plus fins se voient souvent emportés. Ils laissent derrière eux les gaillards les plus lourds, les galets, bien décidés à ne plus se bouger la roche. Là où les eaux sont en revanche calmes, le sable se maintient. Et quand elles stagnent, complètement abritées de tout courant? C'est la vase qui vient se joindre à la fête. Un troisième clan, qui ne fait sûrement pas l'unanimité.
Si l'on se chamaille aujourd'hui pour savoir qui du sable ou des galets (désolé la vase, mais tu ne fais pas le poids) fait les meilleurs plages, il se pourrait qu'un jour, notre choix soit réduit. Avec le changement climatique, les littoraux sableux sont en effet plus que jamais menacés.
Ces derniers, qui couvrent près d'un tiers du linéaire côtier mondial, s'érodent à vitesse grand V avec l'augmentation du niveau moyen de la mer. Une tendance qui risque de s'aggraver tout au long du siècle. Pas au point de faire disparaître entièrement les plages de sable, mais en réduisant considérablement leur nombre.
Le phénomène est notamment accentué par la demande constante de sable. Particulièrement convoité pour les constructions, il est extrait en quantité toujours plus importante. Pourtant, il arrive de moins en moins dans les mers, freiné par les barrages sur sa route. Les plages, encore un de ces trucs que l'on aura réussi à foutre en l'air ?
La barque de la Tour Royale par Kat
La cabine rouge du téléphérique, Cuverville, l’anse Méjean, la fontaine de la place de la Liberté, les ruelles de la vieille ville, le port, la vue du Faron, l’opéra, la plage de la Mitre… et la barque de la Tour Royale.
Dans le top 10 des sujets les plus photographiés à Toulon figure depuis des années la petite épave de bateau gisant dans les douves de la "Grosse tour".
Sur le réseau social Instagram, monochrome ou en couleur, avec ou sans filtre, en long ou en large, elle est une véritable star. Il faut dire que cette barcasse a du style, avec ses planches de bois rongées par la mer et les ans.
La coque grise, légèrement bleutée, légèrement penchée, dégage un romantisme mélancolique en même temps qu’une invitation à rêver.
Fut-ce une chaloupe qui, un jour, permit de sauver des naufragés? Un bateau de pêche qui côtoya les plus étranges créatures marines? Une embarcation belliqueuse? Et pourquoi son propriétaire décida-t-il de l’abandonner ici, dans ce fossé rempli d’eau saumâtre où nul esquif ne s’aventure jamais?
"Aucune idée", répond Jean-Marc, habitué à ferrer la dorade en entrée de rade. Ainsi qu’un meuble du décor, les Toulonnais ne prêtent plus guère attention à la fameuse coquille de noix, laissant aux touristes le soin de s’extasier devant son potentiel photogénique.
Pourtant, il va sans dire que si la Tour Royale a été érigée au XVIe siècle, le navire, lui, n’est sans doute pas centenaire.
À deux pas, sur le port Saint-Louis, les pêcheurs de l’Union maritime du Mourillon bottent aussi en touche quand on leur demande de se creuser la mémoire.
Moustaches à la gauloise, l’air d’avoir barré des générations de pointus, Lucien Merlo, 84 ans, visualise certes la "bête" mais jure ignorer son histoire. "Contactez Thomas à la chambre de commerce. Lui, il connaît tout sur tout ce qui flotte à Toulon."
Sauf que Thomas Le Gall, maître de port principal de son état, ne nous avance pas plus. "Je n’ai aucune info concernant cette épave, qui est là depuis au moins 1992!"
Même son de cloche à la prud’homie de pêche, où on ne sait rien. Pas plus, pas moins qu’au service historique de la Défense, au musée de la Marine ou à la municipalité. Quoique…
Dans les étages de la mairie, une éventualité est avancée, non sourcée, du bout des lèvres. Il pourrait s’agir d’une "barque de scouts marins, datant des années 70, trouvée là en 2001 lorsque la Ville a récupéré le site". Après enquête auprès de ses vétérans, l’organisation créée par Baden-Powell confirme.
"C’est un canot", croit savoir Fred, ancien scout marin de Toulon, qui prononce le mot à l’anglaise. "Un bateau lourd, avec des avirons longs et une voile aurique. On apprenait aux jeunes à naviguer là-dessus. Quand j’étais minot, c’est ce qui m’a donné le déclic et l’amour de la voile."
D’après lui, cette embarcation et d’autres du même type provenaient alors de la base navale, où elles furent auparavant utilisées par la Marine nationale afin de former les appelés.
Les scouts de France et d’Europe auraient fini par les délaisser pour passer aux "loups de mer", des bateaux en plastique plus légers et manœuvrables.
L’amiral Yann Tainguy, ex-préfet maritime, souscrit lui aussi à l’hypothèse "véhicule militaire". Et d’évoquer "une baleinière, qui était déjà là avant que la Marine ne transfère la Tour Royale à la Ville". Une piste qui a le mérite de réveiller Google.
Sur le forum de Netmarine.net, il y a treize ans, un certain Comargoux se demandait s’il ne pourrait pas s’agir "d’une baleinière du Dompaire"?
Ce dragueur océanique, transféré des États-Unis à la France en 1954 dans le cadre du plan Marshall, a aussi servi comme chasseur de mines entre 1977 et 1988. Des photos le montrent effectivement avec une sorte de chaloupe sur son pont arrière.
D’autres clichés pris à la Tour Royale il y a quelques années, laissent entrevoir sur la coque de l’épave une immatriculation (disparue) - M616 - qui correspondrait à celle du Dompaire. Troublant… au minimum.
Reste à savoir comment, scouts ou pas scouts, le rafiot aurait échoué à la Mitre. Pour Cristina Baron, ex-administratrice du musée de la Marine, là n’est peut-être pas l’essentiel.
"Comme la sculpture de Tadashi Kawamata, qui avait empilé des bateaux abandonnés sur la place Monsenergue, ce navire qui se désagrège est un symbole. Cela incite à réfléchir sur l’avenir des mers et l’impact de l’homme "
L’hameçon en berne, Jean-Marc, lui, soupire: "Puisque tout le monde la trouve si belle, cette barcasse, il faudrait peut-être penser à la retaper…" Chiche?
Le mont Saint-Michel - Crédit photo : Kat
Le quiz spécial 14-Juillet du Conseil européen sur Instagram comporte une erreur qui va renforcer la rivalité entre les deux régions.
Par Le HuffPost
L’éternelle rivalité entre les Bretons et les Normands ne risque pas de prendre fin de sitôt. Le Conseil européen a remis une pièce dans la machine en écrivant dans sa story Instagram (images éphémères) que le Mont-Saint-Michel, dont l’abbaye fête ses 1 000 ans cette année, se situait en Bretagne.
Le Conseil européen (institution européenne qui représente les chefs d’États et de gouvernement des pays membres de l’UE) a créé un quiz sur son compte Instagram ce vendredi 14 juillet à l’occasion de la Fête nationale française. La première question est la suivante : « Quelle région française a lancé une campagne sur Twitter pour avoir un émoji à l’effigie de son drapeau ? » Trois réponses possibles : la Provence, la Bretagne ou Paris ?
La bonne réponse est la réponse 2, Bretagne. Problème : pour illustrer la question a été ajoutée une photo du Mont-Saint-Michel... qui se trouve en réalité en Normandie, dans le département de la Manche.
Une rivalité vieille de centaines d’années
La dispute entre les Normands et les Bretons sur le Mont-Saint-Michel remonte à des centaines d’années, comme le rappelle Le Monde dans un article paru début juin. Le JDD précise que l’évêque Saint Aubert (un Normand) a, en 708, consacré à Saint Michel un des deux petits oratoires présents sur cette île quasi-déserte.
Des habitants se sont ensuite réfugiés ici pour échapper aux invasions des Vikings, puis l’île a été cédée en 867 à la Bretagne par le roi de France qui avait besoin d’aide pour vaincre ces guerriers. Enfin, ajoute Le Monde, le roi des Francs Raoul 1er a rendu le Cotentin et l’Avranchin (et donc le Mont-Saint-Michel) à Guillaume Ier de Normandie en 933.
Le Conseil européen n’est pas le seul à avoir mis le Mont-Saint-Michel en Bretagne. Comme le rappelle BFMTV, le New York Times s’était aussi trompé en 2019 sur son compte Instagram. Même Le Monde avait fait l’erreur en 2020 : le journal avait écrit qu’Emmanuel Macron faisait un déplacement en Bretagne et avait illustré l’article avec le Mont-Saint-Michel. « Non, le Mont-Saint-Michel n’est toujours pas en Bretagne ! », avait rétorqué l’hebdomadaire normand La Manche libre.